Il fallait que je vous le dise – Aude Mermilliod

Note : ★★★★☆ (4/5)
Extrait : « Deux semaines, c’était bien trop court pour aller mieux, mais je donnais le change. Il m’était impossible de mettre des mots sur cette douleur. Elle n’était pas terrassante, je travaillais, je sortais, je riais. Par contre, elle ternissait tout. »

couv36710577Titre : Il fallait que je vous le dise
Auteur : Aude Mermilliod
Genre : Biographie, Témoignage
Langue : Française
Pages : 163 pages
Note : 4/5

En bref : Une BD humaine, inspirante et nécessaire.. J’ai aimé la simplicité des sentiments exprimés malgré la complexité de la situation. J’ai aimé qu’on nous montre l’avant, le pendant et l’après IVG. J’ai aimé l’absence de jugement de Aude sur son parcours et la remise en question constante de Martin sur ses méthodes de travail.

Résumé :

La rencontre de la dessinatrice Aude Mermilliod et du romancier Martin Winckler. Deux voix pour rompre le silence sur un sujet encore tabou, l’IVG. Si elle donne le choix, l’IVG ne reste pas moins un événement traumatique dans une vie de femme. Et d’autant plus douloureux qu’on le garde pour soi, qu’on ne sait pas dire l’ambivalence des sentiments et des représentations qui l’accompagnent. L’angoisse, la culpabilité, la solitude, la souffrance physique, l’impossibilité surtout de pouvoir partager son expérience. Avec ce livre, Aude Mermilliod rompt le silence, mêlant son témoignage de patiente à celui du médecin Martin Winckler. Leur deux parcours se rejoignent et se répondent dans un livre fort, nécessaire et apaisé.

Avis :

Cette BD raconte deux témoignages, tout d’abord celui de Aude, une jeune femme qui s’est séparée de son copain depuis un mois et qui a décidé de faire de nouvelles rencontres. L’une d’entre elles s’appelle Christophe. Après avoir couché ensemble, Aude ne se sent pas bien. Elle a tous les symptômes d’une femme enceinte mais elle ne veut pas y croire, elle a un stérilet, alors ce n’est pas possible ! Et pourtant, c’est arrivé. Aude a la possibilité de le garder ou d’avorter. Elle fait le choix de l’avortement, un choix et un processus qu’elle nous explique à travers cette BD.
Le deuxième intervenant est Martin Winckler (ou Marc Zaffran de son vrai nom). D’abord étudiant en médecine, Martin va devenir médecin généraliste. Il a vécu le combat des femmes pour que l’IVG soit reconnue et cela va profondément le marquer. Au point où il décidera d’aider un cabinet à procéder à des IVG.

La couverture de cette BD est belle dans sa simplicité et le titre m’a suffisamment interpellé pour que je lise le synopsis et sache ce que Aude Mermilliod voulait nous dire. Lorsque j’ai vu qu’il s’agissait d’avortement, je n’ai pas hésité à l’emprunter. C’est un sujet qui met mal à l’aise, qu’on cache et qui est même tabou chez un bon nombre de personnes. J’étais donc curieuse d’avoir le ressenti d’une femme concernée.

Les dessins ne sont pas extraordinaires mais ils ont le mérite de transmettre les émotions et le choix des couleurs était toujours pertinent. Ce que j’ai surtout aimé dans cette BD, c’est l’honnêteté de l’auteur. Elle nous raconte son histoire en nous montrant tout ce par quoi elle est passée : la rupture, les joies des nouvelles rencontres, les symptômes, la découverte puis le processus pour avorter, la documentation, l’acte en lui même et ce qu’on oublie parfois bien vite, le deuil de cet être qui n’aura jamais vu le jour. Parce que oui, même si c’est une décision voulue et que l’auteur en l’occurrence ne la regrette pas, ça n’en reste pas moins un choc pour le corps et l’esprit dont il faut se remettre. C’est partie là en particulier m’a beaucoup touché car je n’ai pas l’impression que c’est une étape dont on parle suffisamment. Les gens pensent qu’une fois que c’est fait, c’est la liberté et on peut reprendre une vie normale. C’est probablement le cas pour certaines femmes mais pour d’autres, c’est un traumatisme qu’il faut réussir à surmonter.

J’ai aussi apprécié le fait que Aude ne critique pas le système médicale et le médecin qui l’a opéré. Elle raconte son vécu, les émotions qu’elle a ressenti sans émettre de jugement sur ce qui s’est passé et pour laisser à chaque lecteur le soin de penser ce qu’il veut de la situation. Personnellement, j’ai trouvé le médecin assez désintéressé lors de la première auscultation et beaucoup trop dans les automatismes lors de l’opération. Il dit ce qu’il fait à chaque étape pour que la patiente soit au courant (good) mais on ne sent aucune émotion, aucune empathie dans ses gestes ou ses paroles à tel point que la dernière séquence m’a révolté. Je me suis demandée comment on pouvait à ce point manquer de délicatesse…

Quant au témoignage de Martin Winckler, je l’ai trouvé intéressante dans le sens où il nous montre les deux envers du décor, c’est-à-dire celui d’être un homme et de ne pas comprendre à 100% le corps des femmes et celui de médecin qui va procéder à l’avortement.
J’ai apprécié découvrir son parcours, ce qui l’a inspiré à partir dans la médecine généraliste puis à procéder à des IVGs. J’ai aimé son intérêt pour les femmes. Ce besoin de les aider et de leur faire éviter la douleur à tout prix, ainsi que la fougue de la jeunesse vont lui faire commettre quelques erreurs. En effet, au début, il a du mal à comprendre comment une femme peut tomber enceinte, alors qu’elle ne veut pas d’enfants, avec toutes les méthodes contraceptives qui existent, ni pourquoi les hommes ne se sentent pas plus concernés par le sujet ? etc. Mais grâce à son entourage et son expérience, il va apprendre de ses erreurs et tout faire pour connaître du mieux possible la douleur des femmes à chaque étape du processus, les accompagner sur ce chemin si difficile et essayer de les comprendre, les écouter et surtout ne pas les juger.

Bref, « Il fallait que je vous le dise » est un beau témoignage sur l’avortement. On a aussi bien le point de vue d’une personne qui avorte que celui d’un professionnel de la santé qui procède à l’opération. J’ai aimé l’aspect humain qui ressort de cette BD, la simplicité des sentiments malgré la complexité de la situation. J’ai aimé qu’on nous montre l’avant, le pendant et l’après IVG. C’est important de parler de toutes les étapes et de toutes les personnes concernées. J’ai aimé l’absence de jugement de Aude sur son parcours et la remise en question constante de Martin sur ses méthodes de travail. C’est une BD humaine, inspirante et nécessaire.

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