Un pont entre les étoiles – Kyukkyupon

Note : ★★★★★ (4.5/5)
Extrait : « Papa disait qu’on devait être fiers d’être Japonais, mais moi… Je ne vois pas de différence entre ces gens et nous. »

couv70905658Titre : Un pont entre les étoiles
Auteur : Kyukkyupon
Genre : Shonen
Langue : Française
Tomes : 4 tomes (terminé)
Note : 4.5/5

En bref : J’ai adoré me plonger dans cette relation sino-japonaise aux prémices de la Seconde Guerre Mondiale. Kyukkyupon a retranscrit avec brio les problématiques de l’époque et l’état d’esprit général des deux peuples. J’ai été transportée par les dessins et par Haru et Xing qui n’hésitent pas à braver le système en place.

Résumé :

1936, Shanghai. Forcée de suivre son père, Haru, jeune japonaise, est contrainte de déménager en Chine, loin de son Nagasaki natal. D’abord effrayée de vivre dans un pays étranger, où les asiatiques ne ressemblent en rien aux japonais, la petite fille va faire la rencontre d’un jeune chinois. Au contact de ce dernier, elle va connaître l’excitation de découvrir l’inconnu et de s’ouvrir, avec son regard d’enfant, à une autre culture. Mais quand les racismes et nationalismes s’en mêlent… Leur amitié pourra-t-elle survivre dans la tempête qui se prépare ?

Avis :

Haru est une jeune japonaise débarquant à Shanghai avec sa famille. Elle n’est pas ravie de ce changement. Loin de ses amis, dans un pays où elle ne maîtrise pas la langue et les coutumes, elle se sent seule et isolée. Les choses vont cependant changer avec l’arrivée dans sa vie de Xing, un jeune chinois de son âge, qui lui fera découvrir la ville. Au fur et à mesure que leur amitié grandi, les tensions entre leurs deux pays s’accentuent.

Tout d’abord les dessins sont magnifiques ! Le détail des quartiers, du port, des bâtiments, des arbres, tout est détaillé et c’est un vrai plaisir pour les yeux. Les personnages ne sont pas oubliés non plus, ils ont de bonnes expressions et les traits arrondis donnent une douceur qui contrastent avec les événements qui bousculent la vie de nos héros. Franchement, je n’ai rien à redire sur ce point, c’est top !

En ce qui concerne l’histoire, elle se passe sur plusieurs années (de 1936 à 1945) et nous voyons donc Haru et Xing grandir au fil des bouleversements politiques, économiques et sociales. J’ai beaucoup aimé l’image des japonais que l’auteur a renvoyé. On peut être fan du Japon autant qu’on veut, on ne peut pas dire qu’ils aient été des anges pendant la Seconde Guerre Mondiale ou même avant avec la Chine et la Corée. J’ai donc apprécié que Kyukkyupon n’ait pas l’air d’embellir les choses et nous montre des Japonais s’appropriant un pays qui n’est pas le leur avec tous les effets négatifs que cela inclus. Le père de Haru est un très bon exemple du japonais patriote de l’époque je trouve. Je ne l’ai pas vraiment aimé au début mais à cause de sa fille qui lui en fait voir de toutes les couleurs, il s’ouvre un peu plus et devient moins tranché dans ses positions.

Les réflexions les plus intéressantes proviennent cependant d’Haru. Petite fille, elle ne comprend pas vraiment ce qui se passe dans le monde et les divergences qui existent entre les deux peuples, du coup elle ne voit aucun mal dans sa relation avec Xing. Cela lui vaudra quelques retours de bâtons mais même par la suite, quand la guerre éclate et qu’elle doit choisir un camp, nous sentons vivement le dilemme qui l’habite. Le Japon a toujours été un pays où il faut rentrer dans le moule au risque d’être lynché et ce fût encore plus le cas en tant de guerre. Le moindre écart, le moindre doute n’était pas permis et l’auteur a bien su retranscrire cette pression que subi constamment Haru. 

Du côté de Xing, c’est un garçon toujours joyeux qui n’aime pas se battre et qui a un talent pour le dessin. La guerre va le transformer et le faire murir plus vite que prévu. J’ai trouvé le contraste entre la vie prospère de Haru et la vie chaotique de Xing saisissant. Xing a toujours vécu modestement, il est paré à toute éventualité depuis qu’il est petit et retombe sur ses pattes rapidement. Haru, elle, a toujours réussi à esquiver les conflits d’une façon ou d’une autre, elle a été gâtée et se retrouve donc à faire quelques caprices. Néanmoins, au contact de Xing, elle va s’ouvrir au monde qui l’entoure et commencer à réfléchir à ce qu’elle y voit. Même si la peur la paralyse souvent, elle garde courage et continue à avancer. C’est une protagoniste qui fût très agréable à suivre.

Un autre point qui m’a plu, c’est la fin de la guerre. Je ne vous spoile pas en disant que le Japon a perdu et que les chinois ont pu reprendre possession de leur pays. Ce qui m’a agréablement surprise, c’est de retrouver cet aspect « lavage de cerveau » que les japonais subissaient. Il faut savoir que le gouvernement effectuait une énorme campagne de désinformation dans tout le pays et ses « colonies ». Bien qu’ils subissaient défaites après défaites, ils mettaient un point d’honneur à faire croire à la population que la victoire était à porter de mains, afin de ne pas briser l’effort de guerre et de continuer à pouvoir recruter des soldats de plus en plus jeunes. Cela m’a rappelé le livre d’Onoda, Au nom du Japon où le soldat croit encore que le Japon se bat alors que cela fait des dizaines d’années que la guerre a cessé. C’était fascinant de voir cette même situation être représentée à nouveau ici avec cette fois-ci des adolescents et des japonais expatriés comme « cibles ».

La seule chose qui m’a dérangé, c’est le dernier tome que j’ai trouvé précipité dans l’ensemble. L’évolution des personnages et des événements était bonne mais il aurait fallu les décrire sur au moins deux tomes pour qu’on n’ait pas l’impression que les protagonistes agissent comme des girouettes, surtout en ce qui concerne Xing. 

Bref, « Un pont entre les étoiles » porte très bien son nom. J’ai adoré me plonger dans cette relation sino-japonaise aux prémices de la Seconde Guerre Mondiale. Kyukkyupon a retranscrit avec brio toutes les problématiques de l’époque et l’état d’esprit général de ces deux peuples. J’ai été transportée par les dessins et par Haru et Xing qui n’hésitent pas à remettre le système en question et à jouer par leurs propres règles.

3 réflexions sur “Un pont entre les étoiles – Kyukkyupon

  1. Oui, une très belle série malheureusement méconnue comme souvent quand elles sont courtes comme ça.
    J’ai aussi adoré la retranscription en image de cette période historique et la finesse de l’autrice dans son récit nuancé des 2 camps. Comme toi, je trouve le dernier tome un peu trop rapide cependant…

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    • Oui, je ne crois pas l’avoir déjà vu en librairie et si le confinement n’était pas passé par là, je n’en aurais encore probablement jamais entendu parler. Comme quoi ça a eu quelques avantages 😅

      Elle a bien réussi à présenter le point de vue des deux camps, c’est ce qui m’a charmé le plus avec les dessins ! Dommage pour la fin… ça sent l’auteur qui a été bousculée dans son planning 😕

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