Il était une fois la guerre – Estelle Tharreau

Note : ★★★★☆ (4.25/5)
Extrait : « Inconscient des dangers qui allaient le rattraper au fil des ans, il vivait enfin ce dont il rêvait : un dépaysement, une aventure. Mais quand on sait ce que sont les hommes et ce dont ils sont capables, les enchantements sont vite rattrapés par une réalité bien plus cruelle. »

couv33433607

Titre : Il était une fois la guerre
Auteur : Estelle Tharreau
Genre : Thriller
Langue : Française
Pages : 256
Note : 4.25/5

En bref : J’ai adoré suivre le soldat Braqui et découvrir comment il a perdu sa carrière, sa famille, ses amis et sa patri. J’ai aimé avoir le point de vue de sa famille mais aussi du reporter qui fait le pont entre les deux fronts. Savoir d’où vient quelqu’un, ce qu’il a vécu pour comprendre son comportement dans le présent, est pour moi capitale et l’auteur s’en est très bien sortie !

Résumé :

Sébastien Braqui est soldat. Sa mission : assurer les convois logistiques. Au volant de son camion, il assiste aux mutations d’un pays et de sa guerre. Homme brisé par les horreurs vécues, il devra subir le rejet de ses compatriotes lorsque sonnera l’heure de la défaite.
C’est sa descente aux enfers et celle de sa famille que décide de raconter un reporter de guerre devenu son frère d’âme après les tragédies traversées « là-bas ».
Un thriller psychologique dur et bouleversant sur les traumatismes des soldats et les sacrifices de leurs familles, les grandes oubliées de la guerre.
« Toutes les morts ne pèsent pas de la même manière sur une conscience. »

Avis :

Ce livre est un SP proposé par les Editions Taurnada et je remercie Joël pour sa confiance. C’est toujours un plaisir de découvrir les romans de cette maison d’édition.

Le soldat Braqui part en mission au Shonga pour aider la population et le gouvernement en place à maintenir la paix et la stabilité du pays. Plus d’une dizaine d’années plus tard et quatre missions là-bas, Braqui et son équipe ont pour ordre de retourner chez eux. Leur intervention n’a fait qu’aggraver la situation, l’opinion publique est des plus défavorable. C’est dans une atmosphère austère et haineuse qu’ils doivent quitter le Shonga et reprendre une vie normale en France. Mais comment faire une chose pareille quand on a passé une dizaine d’années à être témoin d’horreurs et à voir ses camarades tombés les uns après les autres ?

Estelle Tharreau a le don de conter ses histoires d’un point de vue singulier. Dans « La peine du bourreau » le récit nous était raconté du point de vue du bourreau et dans « Mon ombre assassine« , l’héroïne n’était autre que la tueuse en série. Ici, l’auteur a choisi un personnage un peu à l’écart du récit pour nous narrer la vie du soldat Braqui et de sa famille. Je trouve l’idée vraiment ingénieuse car en se plaçant dans la peau d’un reporter de guerre, nous avons un regard omniscient et impartial sur ce qui se passe.
Cela est accentué par une autre particularité de ce roman, le fait qu’il soit écrit comme si nous lisions un livre rédigé par le reporter. J’ai beaucoup aimé cette mise en abyme qui nous permet de connaître en plus des sentiments de la famille Braqui, ceux du reporter.
Le seul point que je pourrais reprocher à l’écriture de ce roman, c’est les allées et venues entre le présent et les passés plus ou moins proche des personnages. Il y a suffisamment de marqueurs de temps et d’explications pour qu’on ne se perde pas en cours de route mais j’aurais apprécié plus de régularités dans les sauts dans le temps. C’est néanmoins un détail qui n’a en rien entaché le plaisir que j’ai eu à lire ce livre !

En ce qui concerne Sébastien Braqui, j’ai été touchée par son parcours. Il part au Shonga plein de fougue, d’idéaux et avec la volonté de ramener la paix dans le pays. Il se voit en sauveur et, lui et son équipe, sont traités comme tel à leur arrivée. Mais le temps passant et la situation se dégradant, les aspirations de Braqui sont une à une détruites. Nous voyons la descente aux enfers de cet homme qui entraîne sa femme et sa fille avec lui. L’histoire est extrêmement bien racontée, nous sommes témoins des atrocités qui ont lieu au Shonga, des missions effectuées, de l’absurdité de certains ordres ainsi que du manque de financement, de la politique et de l’opinion publique qui impactent cette guerre bien plus que les balles tirées par les soldats sur place. C’était vraiment passionnant de découvrir les raisons de l’échec de cette guerre et de la purge de ces soldats, de comprendre comment la politique et les médias peuvent tout faire basculer en un instant.

Un autre point qui m’a beaucoup plus c’est que dans les romans de guerre, nous avons souvent le récit des soldats mais qu’en est-il de ces parents, ces épouses et de ces enfants qui attendent la boule au ventre que leur fils, leur mari ou leur père rentrent à la maison ? J’ai aimé qu’Estelle Tharreau nous montre l’envers du décor aussi bien en contant la vie de Claire et Virginie, qu’en nous expliquant le poids de l’opinion publique sur les familles militaires et sur les décisions de l’état ou encore les lacunes du système français.
Je ne sais pas si le système français pour la réinsertion des militaires est tel qu’expliqué dans ce livre mais qu’importe si cela est vrai ou non, je pense que chaque lecteur se sentira concerné par celles présentées. Nous avons beaucoup d’avantages en France mais il faut avouer qu’il est facile pour l’administration française de trouver la petite bête dans un dossier pour ne pas que le candidat touche une quelconque somme d’argent. De ce côté là, il y a encore des progrès à faire… De ce fait, voir un soldat tombé en disgrâce, faire des efforts pour remonter la pente malgré son PTSD flagrant et le voir se faire claquer la porte au nez de chaque institution, m’a profondément révolté. Braqui est loin d’être tout rose dans cette histoire mais de là à ce qu’on le traite comme un vieux jouet usé dont on s’est lassé… Je trouve ça assez scandaleux. Il n’est pas étonnant qu’il devienne au fil des pages une bombe à retardement…

Bref, « Il était une fois la guerre » est un thriller à la fois révoltant et touchant. J’ai adoré suivre la vie du soldat Braqui et découvrir petit à petit comment ses rêves se sont brisés, comment il a perdu sa carrière, sa famille, ses amis et sa patri. J’ai aimé avoir aussi le point de vue de sa femme et de sa fille qui, même si elles ne sont pas allées au Shonga, ont vécu la guerre à leur façon. J’ai apprécié que le récit de ce mystérieux reporter du guerre nous permette de comprendre les sentiments de chacun, de faire le pont entre ces deux fronts. J’attache beaucoup d’importance à la psychologie humaine et savoir d’où vient quelqu’un, ce qu’il a vécu, etc. pour comprendre son comportement dans le présent, est pour moi capitale. Estelle Tharreau s’en est, sur ce point, parfaitement bien sortie !
Petit coup de cœur aussi pour l’épilogue qui, l’air de rien, m’a pris aux tripes. Je ne m’étais pas rendue compte que ce livre me touchait autant avant d’arriver à cette partie.

Laisser un commentaire